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Sommaire de l'année


En rapport avec les documents sonores disponibles en archives au groupe Lutecium, les extraits que nous proposerons bientôt sur cette page sont une transcription écrite de la séance qui a été relue à l'aide de la bande son.

ceci n'est pas une pipe


transcription de la version parlée


    Suis-je, suis-je présent quand je vous parle ?
     Il faudrait que la chose à propos de quoi je m'adresse à vous fût là. Or j'ai assez dit assez que la chose ne puisse s'écrire que l'achose, comme je viens de l'écrire au tableau, ce qui veut dire qu'elle est absente là où elle tient sa place ou plus exactement que l'objet petit a, qui tient cette place, ôté, ôté cet objet petit a n'y laisse, à cette place, n'y laisse que l'acte sexuel tel que je l'accentue, c'est-à-dire la castration.

    Je ne puis témoigner de l'a-, permettez-moi, de l'a-nalyse de quoi que ce soit et seulement par là ce qui la concerne, j'ai dit la concerne, la, la castration. C'est le cas de le dire... oh la la ! (rires)
    Le baratin philosophique, ce n'est pas rien. Le baratin, ça barate, c'est normal. Il a servi longtemps à quelque chose. Mais depuis un temps, il nous fatigue. Il a abouti à produire "l'être-là" qu'on traduit quelquefois en français plus modestement "la présence", que l'on y ajoute ou non vivante : enfin bref, ce qui pour les savants s'appelle le Dasein.
    Je l'ai trouvé avec plaisir dans un texte, je vous dirai lequel tout à l'heure, ainsi que le moment où je l'ai relu, un texte de moi, je me suis aperçu avec surprise que ça date d'une paye, cette formule que j'avais énoncée en son temps, pour des gens comme ça un peu durs de la feuille Mange ton Dasein. Qu'importe, nous y reviendrons tout à l'heure.
    Le baratin philosophique n'est pas si incohérent. Il ne l'incarne, cette présence, l'être-là, que dans un discours qu'il commence par justement  désincarner par l'epokh. Vous savez ça : l'epokh, la mise entre parenthèses, c'est tout simplement ce que ça veut dire. C'est quand même mieux, parce que ça n'a pas tout à fait la même structure, c'est tout de même mieux en grec.
    De sorte qu'il est manifeste que la seule façon d'être là n'a lieu qu'à se mettre entre parenthèses.
    Nous approchons de ce que j'ai à vous dire essentiellement aujourd'hui.

    S'il y a trou au niveau de l'achose, cela vous laisse déjà pressentir que c'est peut-être une façon de le figurer, ce trou, et cela n'arrive que sous le mode de... quoi ?
    Prenons une comparaison bien dérisoire : que sous le mode de cette tâche rétinienne dont l'oeil n'a pas la moindre envie de s'empêtrer quand, après qu'il a fixé le soleil, tout là-bas, il le promène sur le paysage. Il n'y voit pas son être-là. Pas fou, cet oeil ! Il y a pour vous toute une bouteille de Klein... d'oeil.
    Pas de baratin philosophique dont vous sentez bien qu'il ne remplit là que son office universitaire dont j'ai essayé, dès l'année dernière de vous donner les limites, en même temps d'ailleurs que les limites de ce que vous pouvez faire à l'intérieur, fût-ce la révolution.

    Dénoncer comme ça c'est fait, dénoncer comme logo-centriste ladite présence, l'idée, comme on dit, de la parole inspirée, au nom de ceci que la parole inspirée, bien sûr, on peut en rire, mettre à la charge de la parole toute la sottise, c'est égarer un certain discours et nous emmener vers une mythique archi-écriture uniquement constituée en somme de ce qu'on perçoit à juste titre comme un certain point aveugle qu'on peut dénoncer dans tout ce qui s'est cogité sur l'écriture, et bien, tout cela n'avance guère. On ne parle jamais que d'autre chose pour parler de l'achose.

    Ce que j'ai dit, moi en son temps, faut pas abuser, j'en ai pas plein la bouche de la parole pleine et je pense quand même que la grande majorité d'entre vous ne m'ont entendu d'aucune façon en faire état. Ce que j'ai dit de la parole pleine, c'est qu'elle remplit justement cela, ce sont les trouvailles du langage qui sont assez jolies toujours, elle remplit la fonction de l'achose qui est au tableau.
    La parole, en d'autres termes, dépasse le parleur. Le parleur est un parlé, voilà tout de même ce que depuis un temps j'énonce. D'où s'en aperçoit-on ? C'est ce que je voudrais comme ça indiquer dans le séminaire de cette année, vous vous rendez compte.
    J'en suis à "je voudrais", depuis 20 ans que ça dure...
    Naturellement, c'est comme ça parce que, malgré tout, je ne l'ai pas "pas dit".
    Il y a longtemps que c'est patent, c'est patent d'abord en ce que vous êtes là pour que je vous le montre, seulement voilà, si c'est vrai ce que je dis, votre "être-là" n'est pas plus probant que le mien.
    Ce que je vous montre depuis un bout de temps ne suffit pas pour que vous le voyez. Il faut que je le démontre. Démontrer dans l'occasion, c'est dire ce que je montrais. Naturellement, pas n'importe quoi, mais je ne vous montrais pas l'achose comme ça. L'achose justement, ça ne se montre pas, ça se démontre.

    Alors je pourrais vous attirer votre attention sur des choses que je montrais, en tant que vous ne les avez pas vues pour ce qu'elles pourraient démontrer. Pour abattre la carte dont il s'agit aujourd'hui, nous l'appellerons, dans toute l'ambiguïté que cela peut représenter, l'écrit.

    L'écrit quand même, on ne peut pas dire que je vous en ai accablés, je veux dire qu'il a vraiment fallu qu'on me les extraie, ceux que j'ai rassemblés un beau jour, dans l'incapacité en somme totale où j'étais de me faire entendre des psychanalystes, j'entends même de ceux-là qui m'étaient restés agrégés comme ça, parce qu'ils avaient pas pu s'embarquer ailleurs.
    A la fin des fins, il m'est apparu qu'il y avait tellement d'autres gens qu'eux qui s'intéressaient à ce que je disais, enfin un petit commencement de votre "être-là" absent, que ces Ecrits, je les ai lâchés.
    Et depuis ma foi, ils se sont consommés dans un beaucoup plus vaste cercle que, en somme, ce que vous représentez, si j'en crois les chiffres que me donne mon éditeur, c'est un drôle de phénomène et qui vaut bien qu'on s'y arrête, si tant est que, pour m'en tenir à ce que je fais toujours, c'est très exactement autour d'une expérience parfaitement fixable et qu'en tout cas je me suis efforcé d'articuler précisément au dernier temps, l'année dernière, en essayant de situer dans sa structure ce qui caractérise le discours de l'analyste, c'est donc en raison de cet emploi, le mien, qui n'a aucune prétention de fournir une conception du monde, mais seulement de dire ce qu'il semble qu'il va de soi de pouvoir dire à des analystes.
    Autour de ça, j'ai fait pendant dix ans dans un endroit assez connu qui s'appelle Sainte-Anne 1, un discours qui ne prétendait certes d'aucune façon à user de l'écrit autrement que d'une façon très précise, qui est celle que je vais essayer aujourd'hui de définir.
    Ceux qui en constituent ce qui reste de témoins de cette époque ne peuvent pas s'élever contre, il n'y en a tout de même plus beaucoup dans cette salle, mais tout de même quelques-uns. Oh ! mais cela ne doit pas se compter sur les doigts de la main, ceux qui étaient là les premiers mois. Ils peuvent témoigner que ce que j'y ai fait... avec une patience, un ménagement, une douceur, des ronds de bras, des ronds de jambes ... j'ai construit, pour eux, pièce à pièce, morceau par morceau, des choses qui s'appellent des graphes.
    Il y en a quelques-uns qui voguent, vous pouvez les retrouver très facilement grâce au travail de quelqu'un au dévouement duquel je fais hommage, et auquel j'ai laissé faire complètement à son gré un index raisonné dans le texte duquel vous pouvez trouver aisément à quelle page on trouve ces graphes. Cela vous évitera de fouiller, quoique cela se voie rien qu'en faisant ça, on peut déjà remarquer qu'il y a des choses qui ne sont pas comme le reste du texte imprimé.
    Ces graphes que vous voyez là et qui ne sont pas bien sûr sans offrir quelques difficultés... de quoi ?
    Mais d'interprétation, bien sûr.
    Sachez que, pour ceux pour qui je les ai construits, ça ne pouvait pas même faire un pli, avant d'avancer la direction d'une ligne, le croisement avec telle autre, l'indication de la petite lettre que je mettais à ce croisement, je parlais une demi-heure, trois quarts d'heure pour justifier ce dont il s'agissait.
    J'insiste, bien sûr non pas pour me faire un mérite de ce que j'ai fait dans le fond parce que ça m'a plu, personne ne me le demandait, c'était même plutôt le contraire, mais parce que nous entrons là avec ça au vif de ce que sur l'écrit, voire sur l'écriture, car figurez-vous que c'est la même chose...
    On parle de l'écriture comme ça comme si c'était indépendant de l'écrit, c'est ce qui rend quelquefois le discours très embarrassé, d'ailleurs ce terme "ure", comme ça qui s'ajoute, fait bien sentir enfin de quelle drôle de biture il s'agit en l'occasion. Ce qu'il y a de certain, c'est que pour parler d'l'achose comme elle est là, et bien, cela devrait déjà à soi tout seul vous éclairer que j'aie dû prendre, disons, rien de plus, pour appareil le support de l'écrit, sous la forme du graphe.

    La forme du graphe, ça vaut la peine de la regarder. Prenons, là, je ne sais pas, n'importe lequel, le dernier, le grand, celui que vous allez trouver je ne sais plus où, je ne sais plus où il vogue, je crois que c'est dans Subversion du sujet et dialectique du désir2.

semblan5b   le graphe dit du désir    Ouais, ce machin, là, qui fait comme ça, dans lequel ici il y a les lettres ajoutées entre parenthèses : S barré ($<>D) poinçon et le grand D de la demande et ici le grand S du signifiant, le signifiant porteur, fonction de l'A barré.
    Vous comprenez bien que si l'écriture ça peut servir à quelque chose, c'est justement que c'est différent de la parole, de la parole qui peut s'appuyer sur. La parole ne traduit pas S de (A barré) par exemple.
    Seulement si elle s'appuie sur ça, ne serait-ce que cette forme, bien sûr, elle doit se souvenir que cette forme ne va pas sans qu'ici une autre ligne recoupant la première ne se marque à ses points d'intersection du petit s de grand A, s(A), et du grand A lui-même.
    Qu'il y ait ici un grand I, je m'excuse de ces empiétements, mais après tout, certains ont assez cette figure dans la tête pour que ça leur suffise et pour les autres, et bien, ... qu'ils se reportent à la bonne page.
    Ce qu'il y a de certain, c'est que l'on ne peut pas ne pas au moins par là, par cette figure, se sentir, disons, sollicité de répondre de l'exigence de ce qu'elle commande quand vous commencez de I'interpréter.
    Tout dépend, bien sûr, du sens que vous allez donner au grand A. Il y en a un proposé dans l'écrit où il se trouve que je l'ai inséré.  E alors les sens qui s'imposent vis-à-vis des autres ne sont pas libres d'un grand écart. Ce qu'il y a de certain, c'est que c'est le propre de ce qui, je pense, vous apparaît s'être depuis suffisamment précisé, à savoir que ce graphe, celui-là, comme tous les autres, et pas seulement les miens, je vais vous dire ça, dans un instant, que ce graphe, ce que cela représente, c'est ce qu'on appelle dans le langage évolué que nous a peu à peu donné le questionnement de la mathématique par la logique, ce qu'on appelle une topologie.
    Pas de topologie sans écriture, vous avez peut-être même pu remarquer, si jamais vous êtes vraiment allés ouvrir les Analytiques de Monsieur Aristote, que là il y a le petit commencement de la topologie et que ça consiste précisément à faire des trous dans l'écrit.
    "Tous les animaux sont mortels", vous soufflez "les animaux" et vous soufflez "mortels" et vous mettez à la place, le comble de l'écrit ici, une lettre toute simple.
    C'est peut-être bien vrai que cela leur a été facilité par je ne sais quelle affinité particulière qu'ils avaient avec la lettre. On ne peut pas bien dire comment. Là-dessus vous pouvez vous reporter à des choses très attachantes qu'en a dit M. James Février sur je ne sais quel artifice, truquage, forçage que constitue au regard de ce que l'on peut assez sainement appeler les normes de l'écriture, les normes, pas l'énorme, quoique les deux soient vrais, au regard des normes de l'écriture, l'invention grecque.
    Je vous suggère en passant aujourd'hui ceci : c'est que ça a quelque chose à faire avec le fait, disons, d'Euclide. Voilà. Parce que je ne peux vous jeter ça qu'en passant et puis, après tout, c'est à contrôler, hein, je ne vois pas aussi pourquoi de temps en temps je ferai pas, même aux gens très calés dans une certaine matière, comme ça, une petite suggestion dont ils riront peut-être parce qu'ils s'en seront aperçus depuis longtemps et on ne voit pas pourquoi en effet ils ne s'en seraient pas aperçus. Ils ne se seraient pas aperçus de ceci qu'un triangle, puisque c'est ça le départ, qu'un triangle, ce n'est pas autre chose, c'est rien d'autre qu'une écriture, ou un écrit exactement, et que ce n'est pas parce que on y définit égal comme métriquement superposable, que ça va contre.
    C'est un écrit où le métriquement superposable est jaspinable, ce qui ne dépend absolument pas de l'écrit, ce qui dépend de vous, les jaspineurs. De quelque façon que vous écriviez le triangle, même si vous faites comme ça, et bien vous démontrerez l'histoire du triangle isocèle, à savoir que, s'il a deux côtés égaux, les deux autres angles sont égaux. Il vous suffit d'avoir fait ce petit écrit, parce que ce n'est jamais beaucoup meilleur que la façon dont je viens de l'écrire, la figure d'un triangle isocèle.semblan5c triangle
 

    Voilà, c'étaient des gens qui avaient des dons pour l'écrit. Cela ne va pas loin.
    On pourrait peut être aller un peu plus loin, mais enfin, pour l'instant, enregistrons ceci en tout cas, c'est qu'ils se sont très bien aperçus de ce que c'était qu'un postulat, et que cela n'a pas d'autre définition que ceci : c'est que c'est ... dans la demande, dans la demande que l'on fait à l'auditeur, il ne faut pas tout de suite dire crochet, dans cette demande, c'est ce qui ne s'impose pas au discours du seul fait du graphe.
    Les Grecs semblent donc avoir eu un maniement très astucieux, une réduction subtile de ce qui déjà courait le monde sous les espèces de l'écriture. Cela servait vachement. Il est tout à fait clair qu'il n'est pas question d'empire et, si vous me permettez le mot même, du moindre empirisme sans le support de l'écriture.
    Si vous me permettez là une extrapolation par rapport à la veine que je suis, je veux dire que je vais vous indiquer l'horizon, la visée lointaine qui guide tout cela.
    Bien sûr, ça ne se justifie que si les lignes perspectives s'avèrent converger effectivement. C'est la suite qui vous le montrera.
    Au commencement, enarch comme ils disent, ce qui n'a rien à faire avec quelque temporalité que ce soit, puisqu'elle en découle, au commencement est la parole. Et puis la parole, il y a tout de même bien des chances que pendant des temps qui n'étaient pas encore des siècles, figurez-vous, ce ne sont des siècles que pour nous, grâce au carbone radiant et à quelques autres histoires de cette espèce, rétroactives, qui partent de l'écriture...
    Enfin, pendant un bout de quelque chose que l'on peut appeler, pas le temps, l' aiwn des aiwn comme ils disent , il fut un temps on se gargarisait avec des trucs comme cela, ils avaient bien leurs raisons, ils étaient plus près de nous, enfin la parole a fait des choses, des choses qui étaient sûrement de moins en moins discernables d'elle parce qu'elles étaient ses effets.
    Qu'est-ce que ça veut dire l'écriture ? Il faut quand même cerner un peu.
    Il est tout à fait clair et certain, quand on voit enfin ce qu'il est courant d'appeler l'écriture, que c'est quelque chose qui en quelque sorte se répercute sur la parole. Sur l'habitat de la parole, nous avons, je pense, assez déjà, les dernières fois, dit des choses pour voir une note découverte, à tout le moins ça s'articule étroitement avec le fait qu'il n'y a pas de rapport sexuel tel que je l'ai défini ou, si vous voulez, que le rapport sexuel, c'est la parole elle-même.
    Avouez que quand même cela laisse un peu à désirer, d'ailleurs, je pense que vous en savez un bout.
    Qu'il n'y ait pas de rapport sexuel, je l'ai déjà fixé sous cette forme qu'il n'y a... , pas de relation, aucun mode de l'écrire actuellement.
    Qui sait ? Il y a des gens qui rêvent ... qu'un jour ça s'écrira. Et pourquoi pas ! Les progrès de la biologie, monsieur Jacob est tout de même là un peu. Peut-être qu'un jour il n'y aura plus la moindre question sur le spermato et l'ovule : ils sont faits l'un pour l'autre. Ce sera écrit comme on dit. C'est là-dessus que j'ai terminé ma leçon de la dernière fois. A ce moment-là, vous m'en direz des nouvelles, n'est-ce pas. On peut faire de la science-fiction. Essayez celle-là. Difficile, à écrire. Après tout, pourquoi pas ? C'est comme cela qu'on fait avancer les choses.
    Quoi qu'il en soit, actuellement, c'est ce que je veux dire, c'est que ça ne peut pas s'écrire sans faire entrer en fonction quelque chose d'un peu drôle, parce que justement on n'sait rien de son sexe, qui s'appelle le phallus. C'est tout ce que l'on arrive à écrire.
    Je remercie la personne qui m'a donné la page où dans mes Ecrits, il y a ce qu'il en est du désir de l'homme, écrit grand Phi de a, F(a), c'est le signifiant phallus, ceci pour les personnes qui croient toujours que le phallus, c'est le manque de signifiant. Je sais que ça se discute dans les cartels, voilà... et que le désir de la femme, ça s'écrit grand A barré parenthèse du petit phi : A barré (f), qui est le phallus là où l'on s'imagine qu'il est, le petit pipi.

    Voilà ce que l'on arrive à écrire de mieux après, mon Dieu, quelque chose que nous appellerons simplement au nom de ce que cela est comme ça  : le fait d'être parvenu à un certain moment scientifique,
(pte coupure son 48')
cela se caractérise par un certain nombre de coordonnées écrites, au premier rang desquelles est la formule que Monsieur Newton a écrite concernant ce dont il s'agit sous le nom de "champ de la gravitation", qui n'est qu'un pur écrit.
    Personne n'est encore arrivé à donner un support substantiel quelconque, une ombre de vraisemblance à ce qu'énonce cet écrit qui semble jusqu'à présent être un peu dur, car on n'arrive pas à le résorber dans un schéma d'autres champs où on a des idées plus substantielles : les champs électromagnétiques, ça fait image, le magnétisme, c'est toujours un peu animal. Le champ de la gravitation, lui, il ne l'est pas. Drôle de machin.
    Quand on pense que ces messieurs-là, qui seront bientôt des messieurs-dames, qui vont se balader dans cet endroit absolument sublime qui est certainement une des incarnations de l'objet sexuel : la lune...
    Quand je pense qu'ils y vont simplement portés par un écrit , ça laisse beaucoup d'espoir, même dans le champ où ça pourrait nous servir, à savoir pour baiser.
    Mais enfin, c'est pas pour demain. Malgré la psychanalyse, ce n'est pas pour demain.
    Voilà donc l'écrit en tant que c'est quelque chose dont on peut parler. En quoi ? Il y a quelque chose dont je m'étonne, encore que justement ça vient sous la plume d'un sacré bouquin qui est paru chez Armand Colin, c'est tout ce qu'il y a de plus facile à trouver, c'est le je ne sais combientième congrès de synthèse et ça s'appelle tout simplement, tout gentiment L'écriture.
    C'est une suite de rapports qui commence par un de Métraux, notre cher et défunt Métraux qui était un homme excellent et vraiment astucieux, cela commence par un truc de Métraux où il parle beaucoup de l'écriture de l'Île de Pâques. Enfin, c'est ravissant, en tout cas. Il parle simplement du fait qu'il n'y a vraiment absolument rien compris quant à lui, mais qu'il y en a quelques autres qui ont un peu mieux réussi, que naturellement c'est indiscutable, mais enfin que ses efforts, qui ont manifestement été absolument sans succès, soient là ce qui l'autorise à parler de ce que les autres ont pu en tirer avec un succès discutable, c'est tout à fait une introduction merveilleuse et bien faite pour nous placer sur le plan de la modestie.
    A la suite de quoi, d'innombrables communications se font sur chacune des écritures et après tout, mon Dieu, c'est assez sensé. C'est assez sensé et certainement ça n'est pas venu tout de suite. Cela n'est même pas venu tout de suite, et nous allons savoir pourquoi ce n'est pas venu tout de suite que l'on dise des choses assez sensées sur l'écriture.
    Il a fallu sûrement, pendant ce temps-là, de sérieux effets d'intimidation qui sont de ceux qui résultent de cette sacrée aventure que nous appelons la science, et il n'y a pas un seul d'entre nous dans cette salle, moi y compris, bien sûr, qui peut avoir la moindre espèce d'idée de ce qui va en arriver.
    Bon, enfin passons. On va s'agiter un petit peu comme ça autour de la pollution, de la vie, d'un certain nombre de foutaises ... La science va nous faire quelques petites farces pour lesquelles il ne serait dans le fond pas tout à fait inutile de voir bien par exemple quel est son rapport avec l'écriture. Cela pourrait servir.
    Quoi qu'il en soit, la lecture de ce grand recueil, qui date déjà maintenant d'une bonne dizaine d'années, sur l'écriture est quelque chose, au regard de ce qui se pond dans la linguistique, de véritablement aéré : on respire, ce n'est pas de la connerie absolue. C'est même très salubre. Il n'est même pas question, au sortir de là, qu'il nous vienne à l'idée que toute l'affaire de l'écriture ne consiste pas en ceci qui n'a l'air de rien, mais comme c'est écrit partout et que personne ne le lit, n'est-ce pas, cela vaut quand même la peine d'être dit, que l'écriture, c'est des représentations de mots.
    Cela doit quand même vous dire quelque chose, Wortsvorstellung(en).
    Freud écrit ça, comme ça et il dit que... mais naturellement là tout le monde rigole. On voit bien que Freud n'est pas d'accord avec Lacan, que c'est le processus secondaire. C'est quand même embêtant que dans la circulation, peut-être même dans vos pensées, bien sûr, vous avez des pensées, vous avez même, pour certains, un peu arriérés comme ça, des connaissances, alors vous vous imaginez que vous vous représentez les mots. C'est à se tordre. Enfin soyons sérieux. Les représentations de mots, c'est l'écriture.
    Mais cette chose simple comme bonjour, on semble n'en avoir jamais tiré les conséquences qui sont pourtant là visibles, c'est que de toutes les langues qui usent de quelque chose que l'on peut prendre pour des figures et alors que l'on appelle je ne sais comment, moi, des pictogrammes, des idéogrammes, c'est effroyable, cela aboutit à des conséquences absolument folles. Il y a des gens qui se sont imaginés qu'avec de la logique, c'est-à-dire de la manipulation d'écriture, on trouverait un moyen pour avoir quoi ?
    New ideas, de nouvelles idées, comme si je n'en avais pas déjà assez comme ça.

    Enfin, quel qu'il soit, ce pictogramme, cet idéogramme, si nous étudions une écriture, c'est uniquement en ceci et il n'y a aucune exception : c'est que du fait de ce qu'il a l'air de figurer, il se prononce comme ça.
    Du fait qu'il a l'air de figurer votre maman avec deux tétines, il se prononce "mooh", et après cela vous en faites tout ce que vous voulez, tout ce qui se prononce "mooh". Alors qu'est-ce que cela peut foutre qu'il ait deux tétines et qu'il soit votre maman, en figure. Il y a un nommé je ne sais plus comment, Hiu cien, ça ne date pas d'hier, il a fait cela à peu près au début de l'ère chrétienne, cela s'appelle le Shu Wen, c'est-à-dire justement le "ce qui se dit en tant qu'écrit", Wen, c'est "écrit".semblan5f    Wen
    Sachez quand même l'écrire, parce que pour les Chinois, c'est le signe de la civilisation, et puis en plus c'est vrai. Alors représentation de mots, ça veut dire quelque chose : cela veut dire que le mot est déjà là, avant que vous en fassiez la représentation écrite avec tout ce qu'elle comporte.
    Ce qu'elle comporte, c'est ce que le Monsieur du Shu Wen avait déjà découvert au début de notre âge, c'est qu'un versant les plus essentiels de l'écriture, c'est ce qu'il appelle, ce qu'il croit devoir appeler, parce qu'il a encore des préjugés, le cher mignon, il s'imagine qu'il y a des signes écrits qui ressemblent à la chose que le mot désigne, ça par exemple, - il faudrait qu'il y ait de la place -, ça, ça, hein... qu'est-ce que c'est ça ? semblan5g

    Ah ! ce qu'ils en savent. On leur a appris déjà. C'est évident.
    C'est un homme, ça, pour vous ? Qu'est-ce qu'il y a de représenté ?
(Il s'adresse à la salle, léger brouhaha...)
J.L.   - Quoi ? ...
     Ben, je crois que tu l'as dit !
     Simplement, ce que je veux dire, c'est... en quoi c'est une image de l'homme ?
X - parce que y a un phallus
 J.L. - (...le mien !  rires, y a des rêveurs...)
    Moi, j'y vois plutôt une autre jambe.
    Vous me direz  : "Mais c'est ça". Et pourquoi pas ? En effet, si vous voulez.

    Il y a une chose marrante, c'est que quand même on les a, ces signes, depuis les Yin, et les Yin, il y a une paye, cela fait encore, alors là, 2000 ans de décrochés, mais d'avant, et on a encore de ces signes, ce qui prouve que, quand même pour l'écriture, ils en savaient un bout. On les trouve sur des écailles de tortues où il y avait des gens qui s'appelaient des devins, des gens comme nous, qui graphouillaient ça, à côté d'autres choses qui s'étaient passées, sur l'écaille de tortue, pour le commenter en écrit.
    Cela a probablement donné plus d'effets que vous ne croyez. Enfin qu'importe.
    Mais il y a quelque chose en effet qui ressemble vaguement, je ne sais pas pourquoi je vous raconte cela, je vous le raconte parce que je me laisse entraîner, j'ai encore des trucs à vous dire,  je me laisse entraîner quand même-là, enfin tant pis, c'est fait. Il y a quelque chose que vous voyez comme cela qui pourrait bien passer, ah ! on le suit parce que, vous savez, l'écriture, ça n' vous lâche pas comme ça du jour au lendemain, si vous comptez sur l'audio-visuel (rires) ! vous pouvez vous accrocher, parce que vous en avez encore pour un bout de l'écriture.
    Puisque je vous dis enfin que c'est le support de la science, la science ne va pas quitter son support comme ça. C'est quand même dans des petits graphouillages que va se jouer votre sort comme au temps des Yin, des petits graphouillages que des types font dans leur coin, des types dans mon genre, il y en a des tas.
    Alors, vous le suivez. Vous le suivez époque par époque, vous descendez aux Tchou, aux Tchou1, aux Tchou2, puis après ça, vous avez les Zin... l'époque où on brûle les livres, ça, c'était un type, celui qui a dit de brûler les livres. Il avait compris des trucs, c'était un empereur. Cela n'a pas duré 20 ans. Aussitôt l'écriture repartait, et d'autant plus soignée.
    Enfin je vous passe les formes diverses de l'écriture chinoise parce que c'est absolument superbe le rapport essentiel de l'écriture à ce qui sert à l'inscrire, au calame. Enfin je ne veux pas anticiper sur ce que ça nous donne quant à la valeur de l'instrument du calame. Alors, on suit ça, et puis alors au bout, qu'est-ce qu'on trouve ?

    Et bien, on ne trouve pas du tout celui que vous vous attendiez, le cher petit mignon, là qu'on appelle le Wen. Je prononce bien ou je prononce mal, en tout cas je n'ai pas mis le ton. Je m'en excuse pour s'il y a un chinois ici, ils sont très sensibles à cela, le bon ton. C'est même ce qui prouve là, une des façons de prouver la primauté de la parole, c'est que sur les quatre façons courantes actuellement, cela ne veut pas dire que dans le passé, les quatre façons courantes de dire, justement ça tombe bien, de dire Hi, eh bien ça veut dire quatre choses qui à la fois sont différentes et ne sont pas du tout sans rapport. Enfin je ne veux pas me laisser entraîner. Peut-être que je vous le dirai, je vous le raconterai plus en détails quand je me serai bien exercé aux quatre prononciations de Hi, Hi ! Hi ! et il y a Hi... ça n'a pas du tout le même sens, mais je tiens d'un homme fort lettré que ça tient de la place de la conscience linguistique, je veux dire que le ton lui-même, et c'est en cela qu'il faut regarder à deux fois avant de parler d'arbitraire, que le ton lui-même, tu m'entends Jenny !  le ton lui-même a pour eux une valeur indicative substantielle.
    Et pourquoi répugner à cela, quand il y a une langue beaucoup plus à notre portée, l'anglais, dont les effets modulatoires sont évidemment tout à fait séduisants ?
    Bien sûr, naturellement ce serait tout à fait abusif de dire que ça a un rapport avec le sens. Seulement pour ça, il faut accorder au mot "sens" un poids qu'il n'a pas, puisque le miracle, la merveille, le quelque chose qui prouve que du langage il y a quelque chose à faire, je veux dire le mot d'esprit, ça repose sur le non sense précisément.
    Parce qu'enfin, si on se réfère, n'est-ce pas, à quelques autres écrits qui ont été là poubelliqués, il faudrait peut-être se souvenir que ce n'est tout de même pas pour rien que j'ai écrit L'instance de la lettre dans l'inconscient. J'ai pas dit "L'instance du signifiant", ce cher "signifiant lacanien" qu'on dit, qu'on dit, qu'on dit, qu'on dit quand on veut dire que je l'ai ravi indûment à Saussure.
    Oui, que le rêve soit un rébus, dit Freud, naturellement ce n'est pas ce qui me fera démordre un seul instant que l'Inconscient soit structuré comme un langage. Seulement c'est un langage au milieu de quoi est apparu son écrit. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que nous devons faire la moindre foi, et quand la ferions-nous ? à ces figures qui se baladent dans les rêves, mais que nous savons que ce sont des représentations de mots, puisque c'est un rébus, c'est ainsi que ça se traduit par ce que Freud appelle les pensées, les pensées "Die Gedanken" de l'Inconscient.
    Et qu'est-ce que ça peut vouloir dire ?
    Qu'est-ce que ça peut vouloir dire qu'un lapsus, qu'un acte manqué, ratage de quelque psychopathologie de la vie quotidienne ?
    Non, mais qu'est-ce que ça peut vouloir dire que vous appeliez trois fois dans les mêmes cinq minutes, je dis cela parce que c'est quand même pas un exemple où je dévoile un de mes patients, mais enfin c'était en effet y a pas longtemps... d'un de mes patients, qui en cinq minutes, à chaque fois en se reprenant et en rigolant mais ça ne lui faisait ni chaud, ni froid, a appelé sa mère ma femme : "Ah, c'est pas grave, je viens de dire ma femme, quelle différence !"... Et pendant un certain temps, il a continué, pendant cinq minutes, il l'a bien répété vingt fois...
    Mais enfin, qu'est-ce que ça a de manqué cette parole, alors que je me tue à dire que c'est vraiment une parole réussie. Tout de même. Il l'a appelée comme ça parce que sa mère était sa femme, quoi ! Il l'appelait comme il fallait. Alors il n'y a de manqué que par rapport à quoi ? Par rapport à ce que les menus astucieux de l'archi-écriture, l'écriture qui est là depuis toujours dans le monde, préfigurent de la parole.
    Drôle d'exercice, moi je veux bien : c'est une fonction du discours universitaire de brouiller les cartes comme cela. Alors je garde ici sa fonction. Moi aussi, la mienne, elle a aussi ses côtés faibles. Alors, nous avons une nouvelle figure du progrès qui est l'issue dans le monde, l'émergence, c'est un substitut donné à cette idée de l'évolution qui n'aboutit, comme vous le savez, au haut de l'échelle animale, à cette conscience qui nous caractérise, grâce à quoi nous brillons de l'éclat que vous savez.
    Alors il apparaît dans le monde de la programmation. Enfin, je ne m'emparerai de cette remarque qu'en effet il n'y aurait pas de programmation concevable sans écriture, que pour faire remarquer d'un autre côté que le symptôme, lapsus, acte manqué, psychopathologie de la vie quotidienne, n'a, ne se soutient, n'a de sens que si vous partez de l'idée que ce que vous avez à dire est programmé, c'est-à-dire à écrire.
    Bien sûr que s'il écrit "ma femme" au lieu de "ma mère", ça ne fait aucun doute, c'est un lapsus. Mais il n'y a de lapsus que calami, même quand c'est un lapsus linguae, puisque la langue, elle sait très bien ce qu'elle a à faire. C'est un petit phallus tout à fait gentiment châtré. Quand elle a à dire quelque chose, ben, elle le dit. C'est déjà un nommé Esope qui avait dit que c'était à la fois le meilleur et la plus mauvaise. Cela veut dire bien des choses.
    Quoi qu'il en soit, vous m'en croirez si vous voulez, étant donné l'état de fatigue où vous me sentez certainement, après m'être tapé les machins sur l'écriture de bout en bout, parce que je fais ça, je me crois obligé de faire ça, la seule chose dont je n'ai jamais traité, c'est du Surmoi, (rires), je me crois obligé de dire ça, comme si... pour être sûr, pour être sûr de choses que m'a appris, en me le démontrant, mon expérience la plus quotidienne, mais enfin quand même j'ai du respect pour les savants. Il y en a peut-être un qui aurait dégoté quelque chose, là, qui irait contre mon expérience. Et en effet, pourquoi pas ? C'est une expérience si limitée, si étroite, si courte, de se limiter au cabinet analytique, en fin de compte, qu'il y a peut-être quand même un certain besoin de s'informer. Enfin ça, je dois dire que je ne veux l'imposer à personne et dans l'ensemble, c'est mal vu.
    Il y a un autre truc : "le débat sur les écritures et hiéroglyphes au XVII ème et au XVIII ème siècles".
    Vous allez, j'espère, vous ruer, mais vous n'allez peut-être pas le trouver parce que moi-même j'ai dû le faire venir d'une bibliothèque, c'est une chose qui est de la bibliothèque générale de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, 6ème section, et je vois l'indication, S.E.V.B.E.N., c'est-à-dire que cela doit être une organisation d'édition, 13 rue du Four, Paris. Si, tout de même, ça existe.
    Et bien, cet ouvrage de Madeleine David, il faudrait aussi que de temps en temps vous vous donniez la peine de lire quelque chose, vous pourriez lire ça parmi vos occupations parce que pour ce que je vais achever de vous dire, ce que je vais achever de vous dire que l'écriture, enfin c'est là que nous en resterons pour aujourd'hui, que l'écriture en somme, c'est quelque chose qui se trouve, du fait d'être cette représentation de la parole sur laquelle vous le voyez bien, je n'ai pas insisté, représentation, ça signifie aussi répercussion, parce qu'il n'est pas du tout sûr que sans l'écriture il y aurait des mots.
    C'est peut-être la représentation qui les fait en tant que tels, ces mots. Quand vous vous serez un peu frottés à une langue comme celle que je suis en train d'apprendre, aussi par comme ça un effet dont je ne suis pas après tout absolument sûr dans ce cas-là que c'est un effet de Surmoi, c'est la langue japonaise, et bien vous vous apercevrez alors de ce qu'une écriture, ça peut travailler une langue.
    Et telle qu'elle est faite cette langue, mélodieuse et merveilleuse de souplesse et d'ingéniosité, quand je pense que c'est une langue où les adjectifs se conjuguent et que j'ai attendu jusqu'à mon âge pour avoir ça à ma disposition, je ne sais pas vraiment ce que j'ai fait jusqu'ici, je n'aspirais qu'à ça, que les adjectifs se conjuguent... et une langue dont les flexions ont ceci d'absolument merveilleux qu'elles se promènent toutes seules et que ce que l'on appelle le monème, là au milieu, lui, vous pouvez le changer.
    Vous lui foutez une prononciation chinoise, tout à fait différente de la prononciation japonaise, de sorte que quand vous êtes en présence d'un caractère chinois, vous savez, si vous êtes initiés, mais naturellement il n'y a que les naturels qui savent, vous le prononcez oniomi ou kouniomi, selon les cas qui sont toujours très précis, et pour le type qui arrive là comme moi, pas question de savoir lequel des deux il faut choisir, en plus vous pouvez avoir deux caractères chinois et si vous les prononcez kouniomi, c'est-à-dire à la japonaise, vous êtes absolument hors d'état de dire auquel de ces caractères chinois appartient la première syllabe de ce que vous dites, et auquel appartient la dernière, celle du milieu bien sûr encore bien moins n'est-ce pas.
    C'est l'ensemble des deux caractères chinois que vous dites d'une prononciation japonaise à plusieurs syllabes, que l'on entend, elle, parfaitement, qui répond aux deux caractères à la fois, car vous ne vous imaginez pas que sous prétexte qu'un caractère chinois cela correspond en principe à une syllabe, quand vous le prononcez à la chinoise oniomi, si vous le lisez à la japonaise, on ne voit en effet pas pourquoi pour cette représentation de mots, on se croirait obligé de décomposer les syllabes.

    Enfin ça vous en apprend beaucoup, ça vous en apprend beaucoup sur ceci que la langue japonaise, mais elle s'est nourrie de son écriture. Elle s'est nourrie en quoi ? Au titre linguistique, bien sûr, c'est-à-dire au point où la linguistique atteint la langue, c'est-à-dire toujours dans l'écrit. Parce qu'il faut bien vous dire, c'est naturellement ceci qui saute aux yeux, c'est que, si Monsieur de Saussure se trouvait relativement en état de qualifier d'arbitraire les signifiants, c'est uniquement en raison de ceci qu'il s'agissait de figurations écrites. Comment est-ce qu'il aurait pu faire sa petite barre avec les trucs du dessus et les trucs du dessous, dont j'ai suffisamment usé et abusé, s'il n'y avait pas d'écriture.
    Tout ceci pour vous rappeler que, quand je dis qu'il n'y a pas de métalangage, cela saute aux yeux. Il suffit que je vous fasse une démonstration mathématique, vous verrez bien que je suis forcé de discourir dessus, parce que c'est un écrit. Sans ça, ça ne passerait pas. Si j'en parle, c'est pas du tout du métalangage. Ce que l'on appelle, ce que les mathématiciens eux-mêmes, quand ils exposent une théorie logique, appellent le discours, le discours commun, le discours ordinaire, c'est la fonction de la parole en tant que bien sûr elle s'applique, non pas d'une façon tout à fait limitée, indisciplinée, c'est ce que j'ai appelé tout à l'heure démontrer, bien sûr, mais le langage... c'est là ce dont il s'agit, l'écriture est ce dont il s'agit, ce dont on parle. Il n'y a aucun métalangage en ce sens où on ne parle jamais du langage qu'à partir de l'écriture.

    Alors tout ça, il faut dire que moi, ça ne me fatigue pas, ... mais ça me fatigue quand même un peu.
    Vous m'en croirez si vous voulez, je me suis dit, ce matin, en me réveillant, après avoir lu Madeleine David jusqu'à une heure, je me suis dit quand même que c'était pas absolument pour rien que mes Ecrits commençaient par le Séminaire sur la lettre volée.
    La lettre, c'est pris là dans un autre sens que celui de L'instance de la lettre dans l'inconscient, la lettre, l'épistole. Je suis pas frais...
    Enfin, Gloria vous témoignera que je me suis tapé de huit heures à neuf heures et demie la relecture du Séminaire sur la lettre volée qui est une chose qui valait la peine, c'est une chose un petit peu astucieuse, je ne me relis jamais, mais quand je me relis, vous ne pouvez pas savoir ce que je m'admire. Evidemment je me suis donné de la peine, j'avais fait un truc qui était assez chiadé, qui est pas mal, qui est passé quand je l'ai fait je ne sais plus, il y a la date, c'était toujours devant la canaille là de Sainte-Anne... Enfin j'ai chiadé ça dans un endroit que je mets à la fin, je suis consciencieux : San Casciano. C'est aux environs de Florence, c'est ravissant, ça m'a bien gâché mes vacances. Enfin j'avais déjà un penchant pour ça, gâcher mes vacances. Toujours le même truc.
    Ecoutez, il est tard et après tout je crois que ça vaut mieux que je vous en parle la prochaine fois. Mais enfin peut-être qui sait ? Cela vous tentera de le lire et malgré tout je n'aimerais mieux pas vous dire où il faut aller tout de suite, je vais le faire quand même, parce qu'il y en a qui pourraient ne pas s'en apercevoir qu'à la fin, en parlant de la Lettre Volée, quand je parle de ça, de la fonction de la lettre, vous vous souvenez peut-être cette lettre que la reine reçoit, vous l'avez peut-être lu, le conte de Poe en question, que la reine reçoit, c'est une lettre assez drôle, quand même, on ne saura jamais ce qu'il y a dedans et c'est justement ça l'essentiel, qu'on ne saura jamais ce qu'il y a dedans, et que peut-être même rien ne contredit ceci qu'il n'y a qu'elle qui le sache en fin de compte.
    D'ailleurs pour lancer la police là-dessus, vous comprenez qu'il faut quand même qu'elle ait bien l'idée qu'en aucun cas, ça ne peut donner de renseignements à personne. Il n'y a qu'un truc, c'est qu'il est certain que cela a du sens et comme cela vient d'un certain duc de je ne sais pas quoi et que ça lui est adressé à elle, si le roi, son compère, met la main là-dessus, même s'il n'y comprend rien, lui non plus, il se dira quand même : "Il y a quelque chose de louche" et Dieu sait où cela peut conduire.
    C'est tout de même de vieilles histoires qui se passaient autrefois, ça vous conduisait des reines à l'échafaud, des machins comme ça. Bon, alors là-dessus, je ne peux pas vous faire le machin que j'ai fait sur ce qu'a fait Poe sous le titre The purloined letter, que j'ai traduit comme ça, approximativement, La lettre en souffrance.
    Et bien, lisez cela d'ici la prochaine fois parce que ça me permettra peut-être de continuer à sortir, à vous appuyer ce que vous voyez converger dans mon discours d'aujourd'hui : de la page 31 des Ecrits jusqu'à la fin, ce dont je parle en parlant de ce dont il s'agit, vous avez peut-être quand même vaguement entendu parler de l'effet des déplacements de cette lettre, de ses changements de main, car vous savez que le Ministre la barbote à la reine, après quoi Dupin, Dupin, le génie poénien, le futé des futés, pas tellement futé que ça, mais Poe, lui, est futé, c'est-à-dire que Poe, c'est le narrateur de l'histoire.
    Je vous pose une petite question, là, entre parenthèses : le narrateur de l'histoire, ça a une portée très générale, est-il celui qui l'écrit ?
    Posez-vous cette question, par exemple en lisant Proust. C'est très nécessaire de vous la poser, sans ça vous êtes foutus. Vous croyez que le narrateur de l'histoire est un simple quidam, comme ça un peu asthmatique et somme toute assez con dans ces aventures qu'il nous raconte. Il faut bien le dire, quoi. Seulement vous n'avez pas du tout l'impression, quand vous avez pratiqué Proust, que ce soit con du tout.    Ce n'est pas à cause des histoires ni du narrateur, c'est à cause de celui qui l'écrit, enfin, passons.
    De la page à telle page,  vous verrez que je parle de la lettre, de sa véhiculation, de la façon dont le ministre, le ministre de la reine, dont Dupin prend le relais auprès du ministre, et de ce qu'il y a comme conséquence d'être le détenteur de cette lettre. C'est un drôle de mot, ça veut peut-être dire d'avoir la possibilité de la détente de cette lettre.
    Vous verrez que, de cette page à cette page, ce dont je parle, je suis celui qui l'a écrit, est-ce que je savais ce que je faisais ? Eh bien, je ne vous le dirai pas. Ce dont je parle, c'est du phallus. Et je dirais même mieux : personne n'en a jamais mieux parlé, c'est pour cela que je vous prie de vous y reporter, ça vous apprendra quelque chose.


1.  de1953 à 1963, à l'hôpital Ste-Anne, à Paris.
2.  schéma du graphe
références :
- James G. Février, dont L'histoire de l'écriture est aussi mentionnée par Lacan les 20/12/61, et 13/01/76
- Alfred Métraux,  A.Colin, 1963, Paris (seule occurence chez Lacan).
Ecrits : p. 683,  in Remarque sur le rapport de Daniel Lagache, Pâques 1960.
"La fonction F du signifiant perdu, à quoi le sujet sacrifie son phallus, la forme F(a) du désir mâle, A barré (f) du désir de la femme, nous mènent à cette fin de l'analyse dont Freud nous a légué dans la castration l'aporie."

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